De la cour d'école au cours de tango : la place des hommes

Depuis mes premiers pas de tango, j'ai été frappée par le parallèle entre ce qui passait dans la danse et ce qui se passait en dehors de la piste. 
Les remarques de certains élèves à certaines corrections que je leur proposais pour améliorer leur danse m'ont amenée à vouloir aller plus loin pour mieux comprendre ce phénomème. J'ai fini par entamer une formation en coaching, qui m'a donné l'occasion d'écrire un mémoire (le tango, métaphore des notions de leadership et de followership dans un coaching sur l'assertivité), puis de venir conférencière sur ce sujet. 

Parmi les choses qui ont vraiment contribué à tout cela, le positionnement, pas seulement physique, que les différentes personnes prenaient en fonction du rôle de guideur ou de guidé qu'elles prenaient. 

Si l'on se limite à une répartition classique des rôles, avec les hommes comme guideurs et les femmes comme guidées, j'ai pu détecter trois grands modes de fonctionnement chez les guideurs : 
1- ceux qui vont utiliser la force pour faire passer leur information
2- ceux qui ne vont pas oser faire une proposition franche
3- ceux qui vont être justes et permettre à l'autre de se positionner réellement

J'ai trouvé un grand parallèle entre ces trois positionnements physiques et psychologiques qui correspondaient à ce que j'avais observé dans la cour d'école étant enfant :

1- les garçons qui utilisaient la force pour faire passer leur message ou pour se positionner
2- les garçons qui étaient tapés par les premiers
3- les garçons qui ne se battaient qu'exceptionnellement et seulement pour se défendre et trouvaient d'autres modes d'interactions relationnelles 

Ces différentes observations m'ont amenée à faire un parallèle, peut-être un peu caricatural, j'en conviens, mais l'évoquer permet aux personnes considérées de percevoir différemment leur rôle et leur relation à la personne guidée : 
1- Dans la première catégorie de danseurs, il y a celui qui impose physiquement ce qu'il veut, profitant du fait que, le tango étant généralement réparti de manière sexuée, ce sont des femmes qu'il va guider. Qui dit femmes, dit, classiquement différence de carrure et donc supériorité de l'homme/guideur. Si, à cela, l'on ajoute le fait que les femmes sont sur talons, leur vulnérabilité physique face à une personne employant la force ne fait pas de doute.
La plupart du temps, "l'échec d'un pas ou de la danse" (comme s'il y avait un échec en tango) sera remis sur le dos de la personne guidée ou il n'y aura pas d'échec car la guidée se sera vu imposer le résultat par la force. Il pensera souvent que danser le tango, c'est connaître des pas et que c'est l'homme qui guide, point à la ligne. 
Ces hommes-là, le fait que je sois une femme qui enseigne le guidage, a pour conséquence que j'en ai finalement peu dans mes cours. Mon approche fait assez vite partir ceux qui se sont risqués car certaines propositions bousculent trop leurs croyances. 
Cependant, certains nous rejoignent au moment où ils sont arrivés aux limites de leur mode de fonctionnement. Ils souhaitent passer à autre chose, le tango, tel qu'il m'intéresse dans une interaction équilibrée et épanouissante pour les deux partenaires devient alors un superbe tremplin pour cela. Ces moments sont souvent très touchants car il est bien rare de pouvoir changer sa danse sans changer dans le fond. 

2- La deuxième catégorie de danseurs est celle dont j'ai l'impression qu'ils ont plutôt été victimes dans la cour d'école. Il en ressort deux choses importantes : ils n'ont pas une expérience "positive" de la force et ne veulent pas l'employer. Pour eux, le fait de guider devient alors une sorte de contradiction car ils associent souvent le guidage au fait d'imposer. Ils auront alors tendance à être "trop gentils", à avoir peur de proposer, à dire une chose avec le corps, mais à ne pas l'assumer avec les bras. Cela induira la personne guidée en erreur qui ne trouvera pas de moyen de se positionner par rapport à la proposition car, de proposition, il n'y aura pas vraiment. 
Saisir que l'on peut être affirmatif dans une proposition sans que cela ne soit violent et qu'au contraire cela permet à l'autre de resplendir, est souvent bien difficile. Cela demande un certain temps pour l'accepter, mais, là encore, c'est vraiment très beau de voir un homme peu sur de lui prendre confiance et voir cette confiance s'emparer de tout son corps, même en dehors des cours. La tête qui se redresse, les épaules qui s'ouvrent...
On ne parle que de tango, mais le tango fait tâche d'huile....
En évoquant cet article avec des danseurs hommes, certains ont dit se reconnaître dans leur difficulté à faire une véritable proposition et n'avoir pas subi cette violence à l'école, mais d'avoir été confrontés à la vue de la violence faire à des femmes qui leur étaient proches et éprouver cette même même peur de contraindre. 

3- La troisième catégorie, ce sont les hommes bien dans leur peau, au propre comme au figuré.
Assertifs, ils tiennent compte de leurs besoins avant de se mettre en relation avec l'autre, rendez-vous avec soi-même qui a un fort impact sur la relation avec l'autre. Ils peuvent proposer en tenant compte de leurs besoins, de ceux de l'autre. L'autre peut resplendir car on lui à fait toute la place nécessaire et on lui a donné l'énergie juste pour la co-réalisation. Si, pour une quelconque raison l'autre ne fait pas ce qui était prévu intellectuellement, ce n'est pas grave ! "On va gérer" ... avec bienveillance ! Pas besoin de trouver un coupable, pas plus moi que l'autre ! Ce qui importe, c'est de continuer à nourrir positivement la relation. 
Dans cette troisième catégorie, même si certains hommes n'ont pas eu une grande pratique sportive, ils ont tout de même bien souvent un minimum de conscience corporelle, mais ils ont surtout l'essentiel pour danser le tango : une envie de réaliser à deux un projet dans la bienveillance, la joie et l'esprit de la musique. Ils ont assez d'assurance pour ne pas se juger quand ils sont en action et assez d'empathie, de bienveillance et de confiance pour la partenaire pour lui permettre de remplir sa part du projet. 

Le tango nous dit tellement de nous...
Si vous souhaitez aller plus loin, un autre article évoque cinq différents grands éléments contribuant à l'apprentissage du tango argentin.

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141202

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